Entente / Accords de « durabilité » dans le secteur agricole : la Commission européenne ouvre une consultation publique sur son Projet de Lignes directrices
Contexte
Lors de la dernière réforme du règlement n°1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (le Règlement « OCM »), le législateur européen a introduit une nouvelle exclusion d’application des règles de concurrence à certaines ententes dans le domaine agricole.
L’article 210 bis de l’OCM prévoit ainsi que l’article 101, paragraphe 1 du TFUE interdisant les accords entre entreprises restreignant la concurrence ne s’applique pas aux accords conclus entre producteurs de produits agricoles (accords horizontaux) et aux accords conclus entre producteur(s) et opérateur(s) des différents niveaux de la chaîne alimentaire (opérateurs de la production, transformation, commercialisation) qui visent à appliquer une norme de durabilité allant au-delà des exigences découlant du droit de l’Union européenne ou du droit national. Les restrictions imposées par ces accords doivent toutefois être indispensables à l’application de ladite norme.
Consultation publique jusqu’au 24 avril 2023
Conformément à l’article 210bis paragraphe 5 de l’OCM, la Commission est tenue d’adopter, au plus tard le 8 décembre 2023, des lignes directrices visant à préciser les conditions d’application de cette non-application des règles relatives aux ententes anticoncurrentielles aux accords de durabilité du secteur agricole, à l’attention des opérateurs mais également des autorités publiques dont les autorités nationales de concurrence.
Sont ainsi notamment clarifiés :
- Le champ d’application de cette exclusion: produits agricoles visés, parties aux accords (ces accords devant impérativement être conclus par des producteurs agricoles, entre eux ou avec d’autres opérateurs de la chaîne alimentaire, y inclus des entités collectives comme des organisations interprofessionnelles).
- Les objectifs de développement durable pouvant être poursuivis. Conformément à l’article 210bis, les accords doivent poursuivre des objectifs de durabilité relevant de trois catégories : i) protection de l’environnement (ex. atténuation du changement climatique, protection des paysages, de l’eau, du sol, de la biodiversité, économie circulaire) ; ii) réduction de l’utilisation de pesticides et de la résistance antimicrobienne et iii) protection de la santé et bien-être des animaux.
Cette liste limitée d’objectifs de « durabilité » marque une rupture par rapport à la conception plus large de cette notion évoquée dans le Pacte Vert et la Stratégie de la ferme à la table, impliquant également des dimensions sociale et économique.
- Les exigences concernant la norme de durabilité que les parties décident d’appliquer : les accords doivent identifier une norme de durabilité poursuivant un des objectifs susmentionnés et devant être supérieure à celles imposées par le droit de l’Union ou le droit national ; ces normes doivent fournir des résultats mesurables et tangibles de durabilité.
- Les éléments nécessaires pour apprécier l’« indispensabilité » des restrictions à la concurrence pour appliquer la norme de durabilité : sont ainsi précisées les différentes étapes du « test » que les opérateurs devront effectuer pour déterminer si l’article 210bis est applicable. Comme précisé par la Commission dans son communiqué de presse : « Les parties à un accord de durabilité doivent apprécier si les restrictions de concurrence dues à l’accord sont indispensables pour atteindre la norme de durabilité. Cette appréciation comprend quatre éléments : i) le recensement des obstacles qui empêcheraient les parties d’atteindre seules la norme de durabilité et l’explication de la raison pour laquelle une collaboration est nécessaire; ii) la détermination du type d’accord approprié (p. ex, accord sur les prix ou la quantité); iii) la détermination de la ou des restrictions de concurrence indispensables (p. ex, un accord sur les prix peut fixer le prix total, établir un prix minimal ou établir une majoration du prix); et iv) la détermination du niveau (p. ex. le montant du prix) et de la durée appropriés de la ou des restrictions. Lors de l’évaluation au regard de ce critère, les parties choisissent l’option la moins restrictive pour la concurrence des restrictions à la concurrence ».
A noter que les accords de durabilité qui ne rempliront pas les conditions d’application de l’article 210bis de l’OCM pourront échapper à l’interdiction de l’article 101 paragraphe 1 TFUE sur d’autres fondements. Le règlement OCM lui-même prévoit en effet d’autres dispositions d’exclusion de cette interdiction, selon le type d’accords et les parties impliquées (article 152, 209 et 210 de l’OCM). Si ces dispositions spécifiques ne sont pas applicables, l’article 101 paragraphe 1 TFUE sera alors applicable. Les producteurs et les opérateurs devront alors analyser ces accords au regard des Lignes directrices relatives aux accords de coopération horizontale ou aux restrictions verticales ou encore évaluer s’ils peuvent bénéficier des règlements d’exemption par catégorie en vigueur.
Prochaines étapes : après analyse des réponses à la consultation, la Commission révisera son projet. Les lignes directrices devront être formellement adoptées pour le 8 décembre 2023 au plus tard.
Pour accéder à la consultation publique : https://competition-policy.ec.europa.eu/public-consultations/2023-sustainability-agreements-agriculture_en
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