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Actualité

Jamais deux sans trois : promulgation de la loi dite « EGALIM 3 »

La loi n°2023-221 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs vient d’être promulguée. Elle a été publiée au  JO n° 77 du 31 mars 2023 suite à son adoption définitive par le Parlement le 22 mars dernier.

Le texte, déposé en novembre 2022 par les députés du groupe Renaissance, Frédéric Descrozaille et Aurore Bergé s’inscrit dans la continuité des lois Egalim 1 et Egalim 2 et  a pour ambition de renforcer les dispositifs de rééquilibrage des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs tout en développant davantage de mécanismes permettant de garantir une meilleure rémunération aux producteurs.

La loi a suscité des débats houleux au cours des débats parlementaires dans et hors hémicyle. En effet, cette règlementation qui vise à protéger les intérêts des agriculteurs s’inscrit dans un contexte de forte inflation pour les consommateurs.

Retour sur les dispositions phares de la loi.

 

Un encadrement des promotions étendu

L’expérimentation introduite par la loi Egalim 1 en 2019 consistant à encadrer les promotions sur les produits alimentaires dans les grandes surfaces à 34% de leur valeur et à 25% en volume a été reconduite jusqu’au 15 avril 2026.

Le Sénat a obtenu l’extension de l’encadrement à tous les produits de grande consommation, cela afin d’y inclure les produits DPH (droguerie, parfumerie, hygiène). Lors du vote définitif du texte, l’Assemblée nationale a fixé au 1er  mars 2024 l’application de ce nouvel encadrement des promotions sur les produits non-alimentaires.

Mme Loisier, sénatrice et rapporteure de la commission des affaires économiques justifiait cette extension par l’augmentation très importante des promotions sur les produits des rayons droguerie-parfumerie-hygiène (DPH) qui atteignent environ 45%. Elle alertait sur le fait que « les promotions sont, dans l’immense majorité des cas, financées par les fournisseurs eux-mêmes : ils s’engagent à vendre au distributeur, à telle date et pour tel volume, des produits à un prix extrêmement faible, les conduisant parfois à produire à perte. Compte tenu de l’implantation territoriale de nombre de fabricants de ces produits, qu’ils soient français ou étrangers, ce déport de la guerre des prix vers les produits du DPH menace grandement leurs équilibres financiers et donc, à terme, leurs capacités d’investissement et d’emplois. En outre, cette situation fragilise leurs capacités d’innovations, alors que ces dernières sont bien davantage le fait des fournisseurs que des distributeurs. »

Le gouvernement sera par ailleurs obligé de remettre annuellement au Parlement un rapport afin d’identifier les effets de cet encadrement et d’en tirer les conséquences.

 

Seuil de revente à perte : maintien du mécanisme mais exclusion de la filière des fruits et légumes

L’expérimentation relative au seuil de revente à perte (SRP) +10% a finalement été prolongée pour 2 ans, soit jusqu’en 2025 malgré l’opposition de la commission des affaires économiques du Sénat. Celle-ci considérait que les effets du texte étaient bien trop insuffisants.

Ce mécanisme oblige les distributeurs à vendre les produits alimentaires au minimum au prix où ils les ont achetés, majoré de 10%.

Par ailleurs, le Sénat a réussi à obtenir l’exclusion de la filière des fruits et légumes du dispositif. Cette dernière disposera toujours de la possibilité, via son interprofession, de demander par voie d’arrêté l’application du mécanisme pour certains produits si elle le souhaite.

Ainsi, le Parlement consacre le fonctionnement proposé en Commission Mixte Paritaire (CMP), à savoir un fonctionnement parfaitement inverse au mécanisme actuellement existant. Désormais, avec la disposition adoptée, la filière sera par défaut exclue du dispositif mais pourra, si elle en fait la demande, faire appliquer le SRP à certains produits.

Les distributeurs devront par ailleurs communiquer sur l’emploi qui est fait des revenus issus du SRP+10% afin de répondre aux interrogations des parlementaires sur les effets effectifs de la mesure.

 

Négociations entre fournisseurs et distributeurs, la fin d’un vide juridique ?

 Enfin, sur la question particulièrement épineuse du préavis de rupture en l’absence d’accord entre fournisseur et distributeur au 1e mars, c’est la version hybride de la CMP qui a finalement été adoptée.

Cette disposition avait pour ambition de combler un vide juridique : celui du cadre dans lequel s’inscrivent les cocontractants lorsque la négociation annuelle échoue.

En effet, dans la situation actuelle, s’il n’y a pas d’accord après la date butoir du 1e mars, les fournisseurs doivent livrer les distributeurs aux conditions de l’année précédente, et ce pendant plusieurs mois, même si leurs coûts de production ont augmenté.

La CMP avait adopté une version panachée des textes proposés par le Parlement. C’est cet article, qui a finalement été adopté.

Tandis que l’Assemblée Nationale avait tout d’abord suggéré qu’en l’absence d’accord entre distributeur et fournisseur au plus tard le 1e mars le fournisseur puisse mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, le Sénat avait quant à lui préconisé l’application d’un préavis de rupture.

La CMP, plutôt que de trancher entre les deux solutions proposées par les chambres, avait choisi de créer, au profit du fournisseur, un choix entre ces deux possibilités. Ce choix a donc été conservé dans la version finale du texte. Les parties peuvent par ailleurs toujours choisir le recours à un médiateur.

Le Parlement a souhaité conserver l’expérimentation de ce mécanisme pendant encore trois ans.

 

Des mesures pour lutter contre certaines pratiques de la grande distribution

 On peut enfin préciser que le texte soumet désormais au droit et aux tribunaux français les contrats négociés entre les fournisseurs et la grande distribution via les centrales d’achats basées à l’étranger dès lors que les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français, cela afin de lutter contre une forme d’évasion juridique.

Cette loi vient aussi plafonner les pénalités logistiques. Ces pénalités, que la grande distribution peut infliger aux fournisseurs, ont fait l’objet de nombreux abus constatés ces derniers années. Désormais, elles seront donc plafonnées à 2 % de la valeur de la ligne des produits commandés.

Pour finir on peut ajouter que le principe de non-négociabilité du prix des matières premières agricoles, introduit par la loi Egalim 2, a finalement été étendu aux produits des marques distributeurs, dits produits MDD.