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La Cour de Justice de l’Union européenne admet la possibilité de prévoir des règles plus strictes que la réglementation de l’Union en matière de normes de commercialisation

Le 29 juin 2023, la Cour de Justice a rendu un arrêt dans les affaires jointes C-501/22 à C-504/22

Ce litige opposait l’Association interprofessionnelle française des fruits et légumes frais (ci-après « Interfel »), au ministre de l’Agriculture au sujet de la possibilité, dans le cadre d’une extension d’accord interprofessionnel, de prévoir des normes plus strictes que celles édictées par les législations de l’Union européenne, non seulement dans le domaine des règles de production, mais aussi à l’ensemble des domaines mentionnés au paragraphe 4 de l’article 164 du règlement n°1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (ci-après « règlement portant OCM ». Au cas particulier, Interfel demandait l’extension de plusieurs accords interprofessionnels relatifs à des normes de commercialisation, mais s’est vue opposer un refus de la part de l’administration française. Interfel avait alors introduit un recours devant le Conseil d’Etat tendant à l’annulation de cette décision.

Le Conseil d’Etat a posé à la Cour de Justice deux questions préjudicielles pour ces affaires conjointes :

«1) L’article 164 du règlement [no 1308/2013] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise l’extension d’accords interprofessionnels prévoyant des règles plus strictes que celles édictées par la réglementation de l’Union non seulement dans le domaine des “règles de production”, mentionnées au [point] b) [du paragraphe 4] de cet article, mais aussi dans l’ensemble des domaines, mentionnés [aux points] a) et c) à n) [de ce paragraphe 4], pour lesquels il prévoit que l’extension d’un accord interprofessionnel peut être demandée ? »

« 2) La fixation de dates de récolte, d’une part, et de dates de commercialisation, d’autre part, relève-t-elle des règles susceptibles d’être fixées par voie d’accord interprofessionnel et étendues sur le fondement de l’article 164 du règlement no 1308/2013 et, si tel est le cas, la fixation de telles dates de récolte et de commercialisation relève-t-elle des “règles de production” visées au [point] b) [du paragraphe 4] de cet article ou, comme le prévoyait antérieurement l’annexe XVI bis du règlement [no 1234/2007] des “règles de commercialisation” désormais visées au [point] d) [de ce paragraphe 4] ? » »

 

Retour sur les réponses apportées par la Cour aux questions soulevées par la juridiction administrative suprême :

S’agissant de la 1ère question préjudicielle relative à la possibilité de prévoir des règles plus strictes que la réglementation de l’Union européenne en matière de normes de commercialisation, et plus largement pour l’ensemble des domaines mentionnés à l’article 164 paragraphe 4 du règlement portant OCM.

La difficulté tenait au fait que seul le sous b) de l’article 164 paragraphe 4 du règlement portant OCM prévoit, en matière de production, la possibilité pour une organisation interprofessionnelle d’adopter des « règles plus strictes que les dispositions édictées par les réglementations de l’Union ou les réglementations nationales ». A contrario, le paragraphe 4, sous a) et c) à n) dudit règlement n’apporte aucune précision à ce sujet.

La Cour rappelle, qu’il est de jurisprudence constante, que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, requiert de tenir compte des termes d’une disposition mais aussi du contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation étudiée. En outre, elle souligne qu’il convient de privilégier l’interprétation susceptible de sauvegarder son effet utile.

Au vu du contexte dans lequel s’insère l’article 164 paragraphe 1 et 4 du règlement portant OCM, la Cour considère que ledit article 164 serait privé d’effet utile si un Etat membre ne pouvait rendre obligatoire des règles édictées par un accord allant au-delà des règles qui s’imposent déjà.

Elle soulève en outre que cette interprétation est conforme aux énoncés des considérants 132 et 134 du règlement susvisé, qui soulignent l’importance du rôle des organisations interprofessionnelles dans la promotion de bonnes pratiques, ainsi que l’efficacité révélée de l’extension des règles de ces organisations aux autres opérateurs, et subséquemment leur harmonisation nécessaire.

Le juge de l’Union européenne énonce enfin que la faculté réservée à l’Etat membre d’étendre des règles de certains accords d’interprofessions doit être exercée dans l’optique de garantir la réalisation des objectifs de l’Union.

Elle conclue donc que l’article 164 paragraphe 1 et 4, du règlement portant OCM doit être interprété en ce sens qu’un « Etat membre peut, à la demande d’une organisation interprofessionnelle reconnue (…) considérée comme étant représentative (…) rendre obligatoire certains accords (…) à d’autres opérateurs (…) qui ne sont pas membres de ladite organisation lorsque les règles prévues par ces accords portant sur un ou plusieurs des objets énumérés au paragraphe 4 de cet article, sont plus strictes que celles prévues par les réglementations de l’Union européenne.»

 

S’agissant de la 2ème question préjudicielle relative à la fixation de dates de récolte ou de dates de commercialisation d’un produit agricole 

La Cour retient que l’article 164 du règlement portant OCM doit être interprété en ce sens que relève de l’application de cet article la fixation, par voie d’accords dans le cadre d’une organisation de producteurs, des dates de récolte ou de commercialisation d’un produit agricole.

 

On retiendra que cet arrêt de la Cour de justice souligne l’importance du rôle des organisations interprofessionnelles qui permettent un dialogue constructif entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement aboutissant à la promotion de bonnes pratiques. En admettant la possibilité pour une interprofession d’étendre des accords prévoyant des normes de commercialisations plus strictes que les législations déjà en vigueur, la Cour reconnaît que les organisations interprofessionnelles jouent un rôle clé dans le développement de meilleures conditions d’offre et de produits agricoles toujours plus qualitatifs.

 

Le lien vers la décision : ici