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La remise en question du principe de primauté du droit de l’Union européenne par le tribunal constitutionnel polonais

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En date du 7 octobre 2021, le tribunal constitutionnel polonais a rendu un arrêt très controversé en déclarant certains articles des traités européens « incompatibles avec la constitution nationale ».

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Depuis 2016, les tensions entre le gouvernement polonais et les institutions européennes ne cessent de croître. Sont en cause plusieurs réformes portées par le gouvernement polonais qui remettraient en cause l’indépendance et l’impartialité de l’autorité judiciaire et les fondements de l’État de droit.

Dans cette lignée, une loi polonaise concernant le Conseil national de la magistrature polonaise (KRS), entrée en vigueur en 2020, prévoit la mise en place d’une chambre disciplinaire au sein de la Cour Suprême, chargée de superviser les juges, de lever leur immunité en cas de poursuites pénales ou de réduire le montant de leur salaire.

Par une ordonnance du 14 juillet 2021, la Cour de justice de l’Union européenne avait enjoint la Pologne de suspendre immédiatement l’application des dispositions nationales relatives aux compétences de la chambre disciplinaire de la Cour de suprême aux motifs que celles-ci étaient de nature à porter atteinte à l’indépendance et à l’impartialité de la Cour Suprême polonaise.

A la suite de l’arrêt rendu par le tribunal constitutionnel polonais le 7 octobre 2021, la présidente du tribunal, Julia Przyłębska a déclaré que l’ordonnance du 14 juillet 2021 rendue par la Cour de justice constituait « une ingérence de la Cour de justice de l’UE dans le système juridique polonais » et réaffirmé la « primauté du droit constitutionnel sur les autres sources de droit ».

La primauté de l’ordre juridique communautaire par rapport aux systèmes juridiques nationaux a été consacré par l’arrêt CJCE, Flaminio Costa c/Enel de 1964. Il s’agit d’un principe fondateur. Pourtant, la primauté inconditionnelle du droit communautaire a déjà été remise en cause par des cours constitutionnelles nationales, ces dernières invoquant notamment des standards de protection des droits fondamentaux plus élevés au niveau national qu’européen (Cf. Arrêts Solange I et Solange II rendus par la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe).

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a réaffirmé le rôle de la Commission européenne en tant que gardienne des traités et a déclaré vouloir « faire respecter les principes fondateurs » de l’Union européenne telle que la primauté du droit européen et des arrêts de la Cour de justice. Des outils juridiques et politiques sont à disposition de l’Union européenne pour garantir le respect du principe de primauté. D’une part, la Commission européenne dispose de la faculté de déclencher un recours en manquement à l’égard de la Pologne comme cela l’avait été fait en mars 2021. D’autre part, il a également été évoqué de suspendre le versement de 57 milliards d’euros qui devaient être attribués à la Pologne en vertu du plan de relance européen.

Cet arrêt du tribunal constitutionnel a fait émerger la crainte d’un « Polexit juridique ». Toutefois, Mateusz Morawiecki, le Premier ministre polonais, a déclaré que « la place de la Pologne est et sera dans la famille européenne des nations ».