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Actualité

11 mars 2020 : L’Autorité de la concurrence rend son avis sur la fixation des tarifs réglementés des professions du droit

L’Autorité de la concurrence a été saisie par le gouvernement d’une demande d’avis relative à un projet de décret visant à modifier l’encadrement des tarifs réglementés de plusieurs professions juridiques (commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunal de commerce, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et notaires).

  • L’origine du projet de décret et les modifications législatives

Le projet de décret trouve son origine, d’une part dans des modifications apportées à la loi du 6 août 2015 dite « loi Macron » par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et d’autre part, dans des recommandations formulées par l’Autorité dans son avis n° 19-A-09 du 11 avril 2019 relatif aux tarifs des professions réglementées du droit en outre-mer.

Depuis l’adoption de la « loi Macron », les tarifs doivent tenir compte des « coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs ». Le gouvernement avait fait le choix, dans le décret du 26 février 2016, de retenir une approche « acte par acte » pour la fixation de ces tarifs. Cette méthode s’est révélée impraticable faute de disposer d’une comptabilité analytique permettant d’évaluer les coûts pertinents à un tel niveau de précision.

Dans ce contexte, la loi du 23 mars 2019 a substitué à cette approche une méthode fondée sur la rentabilité globale des professions concernées, devant permettre aux professionnels de couvrir l’ensemble des coûts supportés et de dégager une rémunération raisonnable au titre de leur « activité régulée ». Les dispositions issues du décret du 26 février 2016 devaient donc être modifiées.

Puis, la loi Macron a ouvert plus largement qu’autrefois la faculté de consentir des remises « lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit […] et lorsque l’assiette de ce tarif est supérieure à un seuil » arrêté par les ministres de la justice et de l’économie. Le taux de remise appliqué doit alors être « fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie réglementaire ».

Dans le cas des notaires, ce principe de fixité et d’identité des remises est apparu inadapté aux opérations immobilières portant sur de très grosses assiettes (supérieures à 10 millions d’euros). Ce type d’opération pouvait donner lieu à une négociation entre « le notaire et son client » pour « convenir d’une réduction d’émoluments pour la partie de la rémunération » dépassant 80 000 euros. Cette négociation étant désormais interdite par la loi, la seule solution techniquement possible pour pallier cette difficulté a initialement consisté à prévoir, par voie règlementaire, un régime dérogatoire par un taux maximum de remise plus élevé (40 %), qui s’applique à partir d’un seuil d’assiette également plus élevé (10 M€) que dans le régime de droit commun (10 % à partir de 150 000 € d’assiette).

Ce mécanisme de remises à 40 % ne permettait pas aux notaires concernés d’être suffisamment compétitifs sur le marché de l’immobilier de grande valeur.

Le projet de décret proposait par conséquent de préciser les modalités d’application de ce rétablissement de la libre négociabilité des remises « pour certaines prestations et au-delà d’un montant d’émolument ».

  • Le décret finalement adopté

 

  • La nécessité de préciser davantage la méthode de fixation des tarifs

Le projet de décret proposait d’appliquer une approche dite « globale » pour la fixation des tarifs des professionnels concernés en indiquant les nouvelles modalités d’évaluation des « coûts pertinents » et de la « rémunération raisonnable » définie par référence à un objectif de taux de résultat, lui-même déterminé « à partir d’un taux de référence, déterminé par arrêté ».

L’Autorité a relevé que la formulation retenue était trop imprécise, ce qui ne permettait pas d’anticiper ce « taux de référence » et cet objectif de taux de résultat.

Elle a principalement recommandé de préciser, à l’article R. 444-7 du code de commerce, les modalités de fixation et de révision du « taux de référence » et de l’« objectif de taux de résultat » sur la base de critères objectifs (voir la proposition n° 1 p.35 de l’avis).

Le décret finalement adopté suit les recommandations formulées par l’Autorité sur ce point.

  • L’assouplissement des limites posées aux remises de droit commun

L’Autorité a recommandé, s’agissant des notaires, d’abaisser le seuil d’assiette, fixé par arrêté, de 150 000 euros à 75 000 euros, pour en élargir le champ d’applicabilité. Pour la vente d’un bien immobilier à 200 000 euros, la remise aurait ainsi été de 203,50 euros, soit 10 % environ de l’émolument total dû. Le montant de la remise aurait donc été cinq fois plus élevé qu’aujourd’hui (41 euros).

Le taux plafond a bien été relevé de 10 % à 20 % pour les remises de droit commun, comme l’Autorité l’avait suggéré. Dans l’arrêté fixant les tarifs des notaires, le gouvernement a toutefois fait le choix de fixer le seuil d’assiette à partir duquel ce taux sera applicable à 100 000 euros (contre 150 000 euros auparavant).

  • Le maintien des remises à 40 % malgré le rétablissement de la libre négociabilité des remises

Le projet de décret soumis à l’examen de l’Autorité proposait de conserver le taux de remise majoré (plafonné à 40 % sur les tranches d’assiette supérieure à 10 millions d’euros). Il était par ailleurs envisagé de fixer ce seuil par arrêté à 200 000 euros.

L’Autorité a noté que les conséquences d’un tel choix seraient dommageables. Outre qu’un seuil d’éligibilité fixé à un niveau aussi élevé (200 000 euros contre 80 000 euros auparavant) restreindrait drastiquement le champ des transactions immobilières concernées (environ 0,02 % des transactions portent sur des assiettes supérieures à 25 millions d’euros), le maintien du mécanisme des remises à 40 % aurait pour effet collatéral de continuer à faire perdre le bénéfice de la remise de droit commun à tous les usagers des prestations éligibles à ce régime dérogatoire.

Dans le décret adopté, le rétablissement de la libre négociabilité des remises au-delà d’un seuil d’émoluments n’a pas coïncidé, comme l’Autorité l’avait suggéré, avec une abrogation du régime dérogatoire des remises majorées à 40 %. Ce maintien conduit à ce que la mise en œuvre de la loi Macron aboutisse à une situation moins concurrentielle sur les marchés concernés que celle qui préexistait depuis 1978.

  • L’ajustement des taux de majoration tarifaire applicables en outre-mer

Le projet de décret proposait de rationaliser la fixation des majorations tarifaires outre-mer, en prévoyant un « rapprochement » entre le taux de résultat moyen constaté pour les professionnels installés en outre-mer et l’objectif de taux de résultat fixé nationalement.

Dans son avis, l’Autorité a recommandé de préciser la finalité et les conditions d’application des majorations tarifaires en outre-mer dans le décret.

Les principes de fixation retenus dans le décret finalement adopté sont à l’origine de baisses, prévues par les arrêtés tarifaires du 28 février 2020, des taux de majoration des émoluments applicables en outre-mer, ce dont l’Autorité se félicite. Ces baisses s’appliqueront tant aux offices notariaux des départements de la Guyane (- 2 points), de La Réunion (-3 points) et de Mayotte (-3 points), qu’aux offices d’huissier de justice des départements de la Guadeloupe (-1 point), de la Martinique (-1 point), de la Guyane (- 3 points) et de La Réunion (-3 points), enclenchant ainsi un premier mouvement de rééquilibrage entre les taux applicables et les surcoûts réellement supportés par les professionnels concernés.