La bataille de la Feta continue
La Cour de Justice de l’Union Européenne confirme que la protection accordée par l’Union Européenne à des produits AOP tels que la Feta s’applique également dans le cadre d’exportation vers des pays tiers.
La dénomination « feta » est enregistrée en tant qu’Appellation d’Origine Protégée (AOP) depuis 2002, ce qui limite la production de ce fromage à certaines régions de la Grèce sous réserve de respecter un cahier des charges précis. Ainsi, seul un fromage produit dans la zone géographique délimitée concernée et conforme aux cahiers des charges pourra être appelé Feta.
C’est ici que la bataille judiciaire de la « Feta » avait commencé. L’Allemagne et le Danemark avaient alors formé un recours en annulation de la décision de la Commission européenne d’enregistrement de la « Feta » en tant qu’AOP. Soutenus par la France et le Royaume-Uni ils s’étaient ainsi opposés à la Commission européenne, soutenue par la République hellénique. La Cour de justice, réunie en grande chambre, le 25 octobre 2005 leur avait donné tort, estimant notamment que la dénomination « Feta » n’était pas générique au sens de l’article 3 du règlement nº 2081/92, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires. (Affaires jointes C-465/02 et C-466/02)
Dans cette nouvelle affaire qui voit s’opposer le Danemark à la Commission, soutenue par la Grèce et Chypre, il est question d’exportation du fromage grec à des pays tiers non-membres de l’Union Européenne.
En effet, le Danemark a utilisé l’appellation « Feta » pour un fromage qu’il produisait quand bien même il ne respectait pas le cahier des charges du fait de sa production sur le territoire danois, l’exportant ensuite vers des pays tiers.
Selon le Danemark, il n’était pas question de contrevenir au règlement (UE) n° 1151/2012 qui prohibe l’utilisation d’une telle dénomination en raison du fait que, l’exportation étant destinée à des pays tiers, le règlement européen ne pouvait s’appliquer.
L’avis n’a pas été partagé par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), qui donne raison à la Commission en invoquant notamment trois motivations.
En premier lieu, la Cour soutient qu’il n’est fait nullement mention dans le règlement d’une exclusion des pays tiers concernant l’interdiction d’exportation de produits utilisant de façon impropre une AOP.
De plus, toujours selon la CJUE, le contexte dans lequel s’inscrit le règlement vise à protéger la propriété intellectuelle des AOP et des indications géographiques protégées (IGP). En effet, le système d’AOP et IGP établi par le règlement permet « d’aider les producteurs de produits liés à une zone géographique en garantissant une protection uniforme des dénominations en tant que droit de propriété intellectuelle sur le territoire de l’Union ». Ainsi, elle considère que quand bien même les produits sont exportés vers des pays tiers, l’utilisation illégale d’une AOP ou d’une IGP pour désigner un produit fabriqué sur le territoire de l’Union porte atteinte au droit de propriété intellectuelle.
Enfin, la Cour indique que l’objectif des AOP et des IGP est celui « d’aider les producteurs de produits liés à une zone géographique en assurant des revenus équitables au regard des qualités de leurs produits, en garantissant une protection uniforme des dénominations en tant que droit de propriété intellectuelle sur le territoire de l’Union et en fournissant aux consommateurs des informations claires sur les propriétés du produit lui conférant une valeur ajoutée » et qu’ainsi, en raison de ces objectifs et indépendamment du pays vers lequel la « Feta » est importée, l’utilisation du terme « Feta » contrevient à ces objectifs et qu’une telle utilisation est donc prohibée par le règlement.
La Cour réfute cependant le second grief qu’a soulevé la Commission lors de cette affaire, à savoir celui selon lequel le Danemark aurait enfreint le principe de coopération loyale en n’empêchant pas les producteurs danois d’utiliser l’AOP « Feta » pour désigner un fromage qui n’est pas conforme au cahier des charges correspondant.
Selon la Cour, quand bien même le terme « Feta » n’aurait pas dû être utilisé par les producteurs, son utilisation ne permet pas de conclure que le Danemark ait affaiblit la position de l’Union dans les négociations internationales en ne garantissant pas la protection de ses systèmes de qualité.
Cet arrêt met donc fin à la longue bataille entre le Danemark et la Grèce et clarifie le règlement en rappelant qu’il s’applique également dans le cadre de l’exportation vers des pays tiers.
Lien de la décision de la CJUE
Lien du Communiqué de presse n°125/22