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Vin d’alsace, verre à moitié plein ou à moitié vide ?

La Cour d’appel de Paris réduit la sanction prononcée par l’Autorité à divers titres, en ce compris le nouvel article 172 ter de l’OCM, mais confirme néanmoins le caractère anticoncurrentiel des pratiques d’acteurs du secteur vitivinicole.

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Dans le prolongement de l’arrêt rendu dans l’affaire des endiviers la Cour d’appel de Paris a eu à statuer à nouveau sur une affaire au cœur de laquelle se confrontaient politique agricole et politique de concurrence.

Dans son arrêt du 12 mai 2022, la Cour d’appel revient sur la décision n° 20-D-12 de l’Autorité de la concurrence dans laquelle l’autorité condamnait avec fermeté l’association des viticulteurs d’Alsace et le conseil interprofessionnel des Vins d’Alsace (ci-après « CIVA). Les griefs établis étaient d’une part, la mise en œuvre d’une entente unique, complexe et continue afin de fixer un prix minimum du raisin dans l’objectif de réduire l’incertitude concurrentielle et d’augmenter les prix de vente des vins d’Alsace, et d’autre part, pour la CIVA uniquement, la mise en œuvre d’une entente visant à donner des consignes à ses adhérents sur un prix minimum du vin en vrac pour chaque récolte.

Les requérants ont obtenu une diminution substantielle de l’amende dont ils auront à s’acquitter. Le CIVA et l’association des viticulteurs d’Alsace devaient verser respectivement 348 000 et 26 000 euros d’amende à l’issue du verdict de l’ADLC, tandis que la Cour d’appel de Paris a réduit le montant dû de moitié au vu des différents éléments, notamment ceux limitant l’ampleur des infractions.

La Cour d’appel retient dans un premier temps l’argument des requérants souhaitant bénéficier de l’application de la dernière mouture du règlement portant Organisation Commune du Marché.

La révision de ce texte européen introduit un article 172 ter permettant aux organisations interprofessionnelles reconnues dans le secteur du vin de « fournir des indicateurs facultatifs sur l’orientation des prix concernant la vente de raisins destinés à la production de vins ». La cour a toutefois estimé que ce nouvel article « ne saurait tout d’abord être étendu à des recommandations relatives au prix du vin en vrac ».

Par ailleurs, l’article 210 de l’OCM était également modifié par la dernière révision du règlement OCM. L’exemption à l’article 101 paragraphe 1 du TFUE des accords, décisions ou pratiques concertées d’interprofessions n’est plus conditionnée par une notification préalable. Les actions concernées doivent être nécessaires pour atteindre l’un des objectifs énumérés à l’article 157 paragraphe 1 point c.  Cette nouvelle version de l’article 210 est jugée par la Cour applicable aux pratiques prohibées ayant cours depuis les années 80 mais ne permet pas d’échapper aux sanctions, la Cour ayant estimé qu’« il n’est pas démontré, en l’espèce, que l’uniformisation des prix que de telles pratiques tendent à mettre en œuvre, au moyen de prix recommandés, étaient nécessaires pour atteindre l’objectif tendant à améliorer les connaissances et la transparence de la production et du marché ».

La Cour d’appel considère dans un deuxième temps que l’ampleur des pratiques anticoncurrentielles est limitée par différents éléments. Premièrement, par le comportement de l’administration à l’égard des requérants car les actions de l’administration « ne les conduisaient nullement à douter de la légalité des pratiques » (…) « L’attitude adoptée démontre en effet que la légalité des discussions auxquelles ils [les représentants de la DRAAF] ont participé n’a suscité aucune réserve jusqu’en 2012. ». Deuxièmement, concernant la diffusion d’indications de prix minimum, la Cour relève que la préfecture utilisait elle-même les prix indicatifs du « vin fait » diffusés par l’organisation interprofessionnelle (le CIVA) dans le cadre de la publication des « indices des fermages », ce qui pouvait laisser penser à la licéité des pratiques aux yeux des requérants.

La Cour d’appel confirme donc sur le fond la décision de l’ADLC puisque les griefs retenus ne sont pas remis en cause.

Si l’appréciation in concreto des circonstances a permis un allègement significatif de la condamnation, on aurait pu s’attendre à plus de clémence dès lors que l’applicabilité des articles 172 ter et 210 de l’OCM avait été admise par la Cour au titre de la rétroactivité de la loi pénale plus douce

Lien de la décision de l’Autorité de la concurrence 

Lien de la décision de cour d’appel commentée