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Concurrence et transition écologique : un avis favorable de la Commission européenne pour le secteur vitivinicole HVE et bio

Le 15 juillet 2025, un an et demi après les manifestations d’agriculteurs en Europe et alors que le secteur viticole traverse d’importantes difficultés, la Commission européenne a rendu son premier avis sur la compatibilité d’un accord de durabilité avec les règles de concurrence applicables au secteur agricole. L’avis rendu est favorable à la conclusion d’un accord entre les producteurs de vins biologiques et à Haute Valeur Environnementale (HVE) et leurs acheteurs en Occitanie, ayant pour objet de fixer des prix indicatifs (appelés « prix d’orientation ») des ventes de vin en vrac, dans le but d’inciter les producteurs à maintenir leur production durable. Cet avis « illustre concrètement la manière dont nos règles européennes soutiennent les agriculteurs dans leur transition écologique », comme le souligne le Commissaire à l’agriculture M. Christophe Hansen.

 

Les Vignerons Coopérateurs de France avaient présenté leur demande sur le fondement de l’article 210 bis du règlement 1308/2013 portant OCM face aux difficultés économiques importantes auxquelles fait face le secteur viticole, en raison notamment d’une offre excédentaire, d’un contexte international défavorable, et des évolutions de la consommation. Dans ce contexte, la Commission européenne observe que la moindre rentabilité des opérateurs engagés dans des démarches de durabilité est telle qu’ils risquent d’abandonner cette production durable ou la viticulture plus généralement.

L’accord envisagé, d’une durée de deux ans (ce délai ne pouvant être prorogé sans avis de la Commission), consiste à fixer annuellement pour chaque référentiel et six cépages, des prix indicatifs (dits « prix d’orientation ») à un niveau couvrant les coûts de production selon l’un des deux référentiels (Biologique, HVE) avec une marge bénéficiaire pouvant atteindre 20% de ces coûts. Les opérateurs restent libres de suivre ou non ces prix.

En dépit des craintes qui pouvaient émerger à la lecture des 58 pages des Lignes directrices relatives à l’application de l’article 210 bis, la Commission a choisi de concilier politique environnementale et politique de concurrence et de donner un plein effet à l’article 210 bis de l’OCM (voir La Commission européenne adopte les lignes directrices relatives aux accords de durabilité dans l’agriculture pouvant déroger aux règles de l’article 101 du TFUE). L’interprétation stricte des dérogations en matière de droit de la concurrence pouvait également faire craindre une issue moins favorable (voir Arrêt de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire des endives : le montant des amendes prononcées par l’Autorité de la concurrence divisé par trois en raison du doute raisonnable et légitime sur la licéité des pratiques).

La Commission a ainsi estimé que l’accord remplissait toutes les conditions de l’article 210 bis du règlement OCM qui prévoit la possibilité à certains accords restrictifs dans le secteur agricole de déroger au respect des règles de concurrence si ces accords sont indispensables pour appliquer des normes en matière de durabilité supérieures aux normes du droit de l’Union ou du droit national. Elle a notamment conclu que l’accord envisagé:

  • engage des producteurs agricoles;
  • concerne le commerce des produits agricoles;
  • vise à contribuer à plusieurs objectifs de durabilité et à appliquer des normes de durabilité supérieures à celles imposées par le droit de l’Union ou le droit national; et
  • n’imposera que des restrictions de concurrence indispensables à l’application desdites normes, sachant que le niveau d’exigence attendu de la démonstration est particulièrement élevé s’agissant de fixation de prix.

S’agissant du caractère indispensable de la restriction, une fixation de prix indicatif a été jugée indispensable, pour parvenir à l’objectif recherché par les demandeurs, en l’absence d’autres moyens moins restrictifs susceptibles d’y parvenir.

La question originale qu’a dû examiner la Commission était celle de savoir si un accord consistant à éviter que des producteurs ne cessent de s’engager dans des démarches de durabilité (biologique ou HVE) vise à instaurer une norme de durabilité supérieure à celle imposée par le droit de l’Union ou le droit national. La Commission y a répondu par la positive compte tenu du fait que ces référentiels imposent des normes de durabilité supérieures aux obligations légales applicables en dehors de ces derniers.

Cet avis de la Commission s’inscrit indéniablement dans une tendance plus large de prise en compte des enjeux du développement durable par les autorités de concurrence. En témoigne, l’accompagnement proposé par l’Autorité de la concurrence dans le cadre de sa politique de « porte ouverte » qui permet, depuis 2020, « aux acteurs engagés dans la transition de venir la consulter en amont sur leurs projets » afin d’évaluer la compatibilité de ces projets aux règles de concurrence (voir Développement durable : L’Autorité de la concurrence publie des orientations informelles relatives à la création d’un système de prise en charge collective des surcoûts et risques associés à la transition agroécologique).

Il conviendra de suivre à l’avenir si, forts de cette interprétation constructive, « d’autres suivront avec leurs propres initiatives de développement durable » comme l’appelle de ses vœux la Vice-présidente exécutive pour une transition propre, juste et compétitive Mme Teresa Ribera, et si la politique de concurrence pourra être un levier au service de la durabilité.


Attention, les possibilités offertes par la Commission européenne dans cet avis ne concernent que l’accord soumis à son attention par les Vignerons Coopérateurs de France, et sont conditionnées au strict respect des conditions fixées par la Commission européenne dans sa décision, dont nous aurons à connaitre après sa publication.

Si cette interprétation constructive ouvre des opportunités indéniables, une notification préalable auprès de la Commission reste vivement recommandée compte tenu du niveau de risque et du caractère récent de l’article 210 bis. Les parties à l’accord de durabilité sont ensuite tenues au respect de l’accord décrit et des conditions posées par la Commission.


Vous pouvez consulter ci-après le Communiqué de presse de la Commission européenne, la décision de la Commission sera prochainement publiée :

Communiqué de la Commission européenne : La Commission rend son premier avis sur la compatibilité d’un accord de durabilité dans le secteur vitivinicole français avec les règles de concurrence en matière agricole

 

 

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