Rapport d’information EGAlim 3 : plus de moyens sont nécessaires pour assurer l’efficacité de la loi
Afin de contrôler si toutes les mesures règlementaires nécessaires ont été prises en application d’une loi et si elles ne dénaturent pas l’intention du législateur, l’article 145-7 du règlement de l’Assemblée nationale permet d’adopter un rapport d’information six mois après sa publication. C’est dans ce cadre, marqué par la récente crise agricole incitant le gouvernement à améliorer l’efficacité des textes en vigueur, qu’a été publié le rapport d’information portant sur la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite « EGAlim 3 » établi par M. Frédéric Descrozaille (Renaissance, Val-de-Marne) et Mme Aurélie Trouvé (Seine-Saint-Denis, NUPES).
Selon le rapport, le manque de moyens mis à disposition de l’administration chargée d’appliquer les lois adoptées pour protéger le revenu des agriculteurs, et le retard dans l’évaluation économique de leur impact, empêchent la pleine efficacité des règles ainsi établies.
- L’insuffisance des moyens et l’absence d’études économiques : l’impossible encadrement des centrales européennes d’achat, la crise de la filière bio et l’impossibilité d’évaluer le dispositif « SRP + 10 »
La loi EGAlim 3 a introduit dans le code de commerce l’article L. 444-1 A qui affirme le caractère d’ordre public des dispositions qui régissent la négociation commerciale entre un distributeur et son fournisseur et les soumet à la compétence exclusive des tribunaux français.
Le rapport rappelle que la compétence des juges français et le caractère de loi de police de ces dispositions, leur permettant de s’appliquer aux transactions conclues en dehors du sol français, a été confirmée par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 21 fév. 2024, n° 21/09001).
Selon les rapporteurs, malgré cette affirmation législative et jurisprudentielle, le recours auxdites centrales est de plus en plus massif, compte tenu de la concurrence des acteurs internationaux implantés en France et le contexte de l’inflation.
Les rapporteurs estiment que face à l’objectif assumé par les centrales de contourner la législation française, les moyens mis à disposition des administrations chargées de les sanctionner sont insuffisants et doivent être renforcés. Ils appellent le ministre de l’Économie de ne plus hésiter à sanctionner les plus grandes d’entre elles.
Concernant la crise de la filière bio, le rapport note l’absence de données économiques sur les prix et les marges pratiqués par la grande distribution, ainsi que la disponibilité trop tardive des données statistiques, empêchant la compréhension des motifs de la crise qui touche la filière et l’adoption de mesures correctives. Les rapporteurs sollicitent un « important effort statistique » et la mobilisation des acteurs de la filière pour résoudre ces difficultés.
Enfin, les rapporteurs ont souligné l’absence d’analyse économique portant sur l’application du dispositif expérimental « SRP +10 », relevant le seuil de vente à perte des produits agricoles de 10%. Ils recommandent de mener cette étude avant 2025, afin de permettre au législateur de se prononcer sur l’opportunité de sa pérennisation.
Après avoir dressé ce constat, le rapport pointe une incohérence entre la lettre de la loi et les pratiques administratives mises en œuvre pour son application :
- Nécessité de mesures correctives des lignes directrices de la DGCCRF sur le plafonnement des pénalités logistiques
La loi du 30 mars 2023 a plafonné le montant des pénalités logistiques à 2% de la valeur des produits concernés. Par suite de son adoption, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mis à jour ses lignes directrices établies pour faciliter l’application dudit dispositif.
Néanmoins, selon les rapporteurs, l’interprétation de la DGCCRF de la notion de « catégorie de produits » prise en compte pour déterminer l’assiette du calcul de plafond de 2% serait contraire à l’intention du législateur. En effet, il ressort des lignes directrices que la « catégorie des produits » peut être définie au cas par cas, au sein de la commande, et inclure potentiellement les produits autres que ceux faisant partie de la « ligne de produits concernée ».
Or, selon les rapporteurs, le législateur n’avait pas pour intention d’adopter une définition aussi large. Au contraire, selon eux, seuls les produits faisant partie de la ligne de produits concernée peuvent faire partie de la « catégorie de produits », ce qui appelle une correction de ce document.
Enfin, le rapport note que les règles encadrant les négociations commerciales, ainsi que les dispositions permettant de soustraire certains produits du champ d’application de l’obligation de prévoir une clause de renégociation du prix des contrats ont bien été mises en œuvre.
Un nouveau rapport, portant sur l’évaluation d’application de la loi, pourra intervenir dans le délai de trois ans suivant sa promulgation.
Vous pouvez consulter :
- ici notre note d’actualité consacrée à la loi EGAlim 3
- ici le texte intégral du rapport d’information du 20 mars 2024
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